Test de Two Falls (Nishu Takuatshina) – Tout est une question de perception

Bienvenue au XVIIe siècle, cette époque formidable où le choc des cultures ne se faisait pas encore sur Twitter, mais directement dans les forêts enneigées du Québec. Two Falls (Nishu Takuatshina) nous propose un récit bicéphale, tout en chapitres, en points de vue, et en vent polaire qui gèle le bout du nez. D’un côté, Maikan, un jeune chasseur innu en mission sacrée pour retrouver une fourrure blanche aux allures mythiques. De l’autre, Jeanne, fraîchement échappée d’un naufrage — pas top, les croisières fluviales du Nouveau Monde — qui part bravement en quête d’un avenir plus doux à Québec, accompagnée d’un chien fidèle et d’une foi solide comme du caribou séché.

De beaux moments

Spoiler sans l’être : leurs chemins vont finir par se croiser. Mais la force du jeu, ce n’est pas ce carrefour scénaristique façon autoroute du destin, c’est la manière dont il nous fait vivre les deux versions de l’histoire. Jeanne débarque avec de bonnes intentions (et un sacré choc thermique), confrontée à la colonisation, à la religion, et à tout ce que les missionnaires jésuites peuvent apporter d’ambigu. Maikan, lui, est plongé dans une nature aussi belle que cruelle, à travers un regard ancré dans les traditions, le respect du vivant, et une relation spirituelle à l’environnement que le jeu prend le temps d’explorer avec délicatesse.

Capitaine, un bon chien

Et autant dire que ça sent l’implication sincère derrière tout ça. Le studio Unreliable Narrators ne s’est pas contenté de lire deux articles Wikipédia et d’ajouter trois capteurs de mocap sur un tipi. Non, ils ont travaillé main dans la main avec des membres des communautés autochtones pour donner vie à cet univers. Ça se ressent dans les dialogues, dans les détails culturels. Cette histoire nous montre qu’il n’y a pas de vérité, tout est une question de perception. Une belle manière de dire qu’on est tous un peu le « méchant » de l’autre.

Le jeu est intégralement en français, rassurez-vous

Côté voix, on retrouve Ludivine Reding pour incarner Jeanne. Elle livre une performance convaincante, nuancée, qui donne vie à ce personnage sans en faire des caisses. Et pour Maikan, le studio a eu le bon goût de confier la tâche à Charles Bender, acteur wendat engagé, qui apporte à son personnage un souffle authentique. Clairement, ça change des doublages plats qu’on nous sert parfois dans les jeux narratifs à budget serré.

Un homme qui va nous aider

Visuellement, ce n’est pas le jeu qui vous fera chauffer votre Xbox Series, mais le charme opère malgré tout. Les décors hivernaux, les forêts enneigées, les ciels chargés… il y a des moments de grâce où on s’arrête juste pour respirer. Mention spéciale aux environnements québécois, recréés avec un soin qui rappelle un certain Kona. Pas d’explosion ni de monstres mutants ici, juste la nature, brute et belle. Et quelques dangers planqués sous la neige, bien entendu. Bref, la direction artistique est une réussite, et c’est tout ce qui compte.

Mauvaise rencontre

Côté gameplay, c’est simple comme bonjour. On marche, on observe, on ramasse des trucs et on avance. Le terme « walking simulator » n’est pas volé, mais dans ce cas précis, il est assumé. Le jeu ne cherche pas à révolutionner les mécaniques : il veut vous raconter une histoire. Et il le fait bien. Pas de rebondissement à la Shyamalan, mais des thèmes forts, une narration posée, et une ambiance qui invite à l’introspection plutôt qu’à l’action frénétique.

Petite baignade?

Cerise sur le castor : le glossaire intégré. On y trouve des infos historiques et contextuelles bienvenues, divisées entre éléments narratifs et précisions réelles. Parfait pour les curieux et les profs d’histoire en quête d’arguments pour faire jouer leurs élèves sans culpabiliser. Et avec une durée de vie de 5 à 6 heures, le tout se boucle sans s’éterniser, comme une bonne légende qu’on écoute au coin du feu.

En conclusion, Two Falls (Nishu Takuatshina) n’est pas un blockbuster. C’est un conte interactif, respectueux, pédagogique et sincère. Un jeu qui ne prend pas parti, mais qui nous fait vivre deux visions du monde que tout oppose… sauf peut-être le courage et la volonté de survivre. Un joli premier pas pour Unreliable Narrators, qui nous donne envie de voir ce qu’ils feront ensuite.